Diagnostic/Commentaires

Devant cet infiltrat inflammatoire surtout lymphocytaire dermique dense, sans atypie, le diagnostic d’hyperplasie lymphoïde réactionnelle sur tatouage est retenu. L’aspect monomorphe, essentiellement lymphocytaire de l’infiltrat permet d’éliminer une lésion infectieuse, à mycobactéries atypiques ou une réaction granulomateuse sur tatouage, complications également décrites (1). Une vingtaine de cas d’hyperplasie lymphoïde réactionnelle sur tatouage ont été décrits mais ne sont probablement pas tous rapportés. Ce phénomène survient de quelques mois à quelques années après le tatouage, les délais étant parfois plus longs, jusqu’à 35 ans après le tatouage.
Cliniquement, la lésion se traduit par un gonflement, papule ou un nodule survenant sur la zone de tatouage, asymptomatique ou prurigineux. Une photosensibilité est parfois mise en évidence (2, 3, 4). Ces pseudolymphomes ont été initialement décrits essentiellement au niveau des zones rouges, l’encre les constituant étant composée de sulfites de mercure (2, 4, 5, 6, 7, 8, 9). Plus rarement, ces aspects ont été rapportés sur des zones bleues (pigments à base de sels de cobalt, chrome et cuivre) (2,3,10), vertes (pigments à base de sels de chrome et cuivre ) (3,9 ).
L’aspect histopathologique met en évidence un infiltrat diffus s’étendant sur tout le derme avec un renforcement autour des vaisseaux. L’infiltrat est composé de petits lymphocytes avec des macrophages contenant parfois du pigment. Des plasmocytes, des polynucléaires éosinophiles, des histiocytes et quelques cellules géantes plurinucléées peuvent être notés. Une organisation folliculaire avec présence de centres germinatifs est parfois observée (1,11). Le pigment est tantôt intramacrophagique, tantôt libre entre les fibres de collagène. Une réaction lichénoïde ou eczématiforme de l’épiderme sus-jacent peut être observée. En immunohistochimie, il s’agit d’un infiltrat riche en lymphocytes T avec une composante de lymphocytes B moins abondante. Quand des études de biologie moléculaire ont été effectuées, elles ne retrouvent pas de réarrangement des chaînes des immunoglobulines ni du TRC gamma.
La physiopathogénie de ces réactions lymphoïdes sur tatouage est mal connue. La procédure de tatouage elle-même ne peut pas être responsable du développement de cette hyperplasie lymphoïde, la réaction étant limitée à une simple couleur au sein d’un tatouage multicolore. Un mécanisme d’hypersensibilité retardée est évoqué. Des tests épicutanés ont été pratiqués dans certains cas, parfois positifs aux sels de mercure. Actuellement le mercure est abandonné pour la fabrication des encres rouges, remplacés par d’autres produits tels que l’hydrate de fer, le sulfate de cadmium ou des composés végétaux.
Un cas de lymphome B développé sur une réaction d’hyperplasie lymphoïde sur tatouage a été décrit, les 2 premières biopsies mettant en évidence un infiltrat surtout riche en lymphocytes T tandis que les biopsies ultérieures étaient caractérisées par un infiltrat riche en lymphocytes B atypiques (12) .
Différents traitements ont été proposés. Les corticoïdes locaux ou intralésionnels sont souvent peu efficaces. Le laser CO2 ou Yag éventuellement associé à des injections de corticoïdes peut donner de bons résultats (2). Un cas de régression sous hydroxychloroquine a été rapporté (9). La régression spontanée est possible (5). L’exérèse du tatouage est parfois la seule solution en cas de lésion très gênante. Notre patiente étant peu gênée, elle n’a pas eu de traitement. Elle souhaitait faire un autre tatouage, ce que nous lui avons déconseillé.

Références

1 Shinohara MM, Nguyen J, Gardner J, Rosenbach M, Elenitsas R. The histopathologic spectrum of decorative tattoo complications. J Cutan Pathol. 2012 ;39:1110-8.
2 Kluger N, Vermeulen C, Moguelet P, Cotten H, Koeb MH, Balme B, Fusade T. Cutaneous lymphoid hyperplasia (pseudolymphoma) in tattoos: a case series of seven patients. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2010;24:208-13.
3 Blumental G, Okun MR, Ponitch JA. Pseudolymphomatous reaction to tattoos. Report of three cases. J Am Acad Dermatol. 1982;6:485-8.
4 Sowden JM, Byrne JP, Smith AG, Hiley C, Suarez V, Wagner B, Slater DN. Red tattoo reactions: X-ray microanalysis and patch-test studies. Br J Dermatol. 1991 Jun;124:576-80.
5: Gutermuth J, Hein R, Fend F, Ring J, Jakob T. Cutaneous pseudolymphoma arising after tattoo placement. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2007;21:566-7.
6: Kahofer P, El Shabrawi-Caelen L, Horn M, Kern T, Smolle J. Pseudolymphoma occurring in a tattoo. Eur J Dermatol. 2003;13:209-12.
7 Cristaudo A, Forte G, Bocca B, Petrucci F, Muscardin L, Trento E, Di Carlo A. Permanent tattoos: evidence of pseudolymphoma in three patients and metal composition of the dyes. Eur J Dermatol. 2012 1;22:776-80.
8 Kuo WE, Richwine EE, Sheehan DJ. Pseudolymphomatous and lichenoid reaction to a red tattoo: a case report. Cutis. 2011 Feb;87:89-92.
. 9 Patrizi A, Raone B, Savoia F, Bacci F, Pileri A, Gurioli C, Neri I. Tattoo-associated pseudolymphomatous reaction and its successful treatment with hydroxychloroquine. Acta Derm Venereol. 2009;89:327-8.
10 Chave TA, Mortimer NJ, Johnston GA. Simultaneous pseudolymphomatous and lichenoid tattoo reactions triggered byre-tattooing. . Clin Exp Dermatol. 2004 ;29:197-9. .
11 Rijlaarsdam JU, Bruynzeel DP, Vos W, Meijer CJ, Willemze R. Immunohistochemical studies of lymphadenosis benigna cutis occurring in a tattoo. Am J Dermatopathol. 1988;10:518-23.
12 Sangueza OP, Yadav S, White CR Jr, Braziel RM. Evolution of B-cell lymphoma from pseudolymphoma. A multidisciplinary approach using histology, immunohistochemistry, and Southern blot analysis. Am J Dermatopathol. 1992 ;14:408-13.

Propositions de diagnostics