Cas 15-2022 Mars Interclubs

Dermatopathologie

Home / 2022 MARS Interclubs / Cas 15-2022 Mars Interclubs

Résolu

Présentateurs: Yaëlle Bellahsen-Harrar, Françoise Plantier

CHU: Service d’anatomie pathologique Hôpital Cochin Paris

Renseignements cliniques:

Patiente âgée de 45 ans lors de l’apparition de lésions des gencives marginales supérieures et inférieures, d’aspect œdémateux et pustuleux. Des biopsies sont réalisées. Le diagnostic évoqué alors est celui d’une pyostomatite végétante. Devant l’absence d’amélioration des lésions, de nouvelles biopsies sont réalisées.

Diagnostic proposé: Ces aspects sont compatibles avec le diagnostic de gingivite ligneuse. Un déficit en plasminogène a été documenté et a confirmé ce diagnostic.

Cliquez sur les photos pour les agrandir

Description histologique

On observe un épithélium gingival hyperplasique, pseudo-épithéliomateux car très irrégulier, mais sans atypies, avec un peu de spongiose et une exocytose de polynucléaires neutrophiles. Dans le chorion superficiel, il existe des dépôts en nappes d’un matériel éosinophile, parfois en voie de hyalinisation. Il s’accompagne de denses amas plasmocytaires. Ce matériel n’est pas coloré par le rouge Congo ni le PAS. Il s’agit en fait de fibrine, qui est identifée par la coloration de l’hématoxyline phosphotungstique de Mallory.

Diagnostic/Commentaires

La gingivite ligneuse est une affection très rare, décrite pour la première fois en 1973 par Frimodt-Moller. Elle est observée chez des patients présentant un déficit congénital en plasminogène (DCP). Le DCP est une maladie héréditaire autosomique récessive très rare (prévalence estimée à 1,6/1000000). La mutation homozygote du gène PLG est responsable d’un déficit en plasminogène, entraînant une diminution de la fibrinolyse extracellulaire qui s’exprime par des lésions muqueuses avec des plaques de fibrine ligneuses, c’est-à-dire très épaisses, blanchâtres, rigides et adhérentes. Il ne s’y associe pas de sur-risque de thrombose. Il a été signalé des cas de milium colloïde juvénile et d’hydrocéphalie occlusive congénitale.

Le plus souvent, les manifestations cliniques débutent précocement dans l’enfance, mais des lésions peuvent apparaître aussi chez l’adulte. Elles sont décrites dans la muqueuse conjonctivale, le tractus gastro-intestinal supérieur et inférieur, les voies respiratoires et l’appareil génital féminin. Les lésions sont parfois déclenchées par des microtraumatismes, des interventions chirurgicales ou une inflammation locale. L’atteinte la plus fréquente est la conjonctivite ligneuse, qui concerne près de 80% des patients. Elle consiste en la formation sur les conjonctives de fausses-membranes évoluant en une masse indurée blanc-jaunâtre ou rougeremplaçant la muqueuse normale. Les lésions entraînent une cécité chez près d’un tiers des patients.

La gingivite ligneuse est par ordre de fréquence la deuxième manifestation de la maladie. Elle peut accompagner les lésions conjonctivales, ou plus rarement exister seule, ce qui était le cas pour cette patiente. Elle débute par une tuméfaction gingivale inflammatoire localisée ou diffuse, qui se chronicise et tend à devenir pustuleuse, à s’ulcérer et à se recouvrir de plaques blanchâtres, épaisses et très rigides « comme du bois » d’où leur description « ligneuse ». A terme, elle entraîne une destruction du parodonte jusqu’à la perte des dents.

Le diagnostic histologique est rendu possible par l’observation dans le chorion gingival d’un matériel extracellulaire éosinophile qui ressemble à de la substance amyloïde, mais n’en possède pas les propriétés tinctoriales et n’est pas colorée par le rouge Congo. La caractérisation de la fibrine est permise par la coloration de l’hématoxyline phospho-tungstique de Mallory (PTAH) qui colore la fibrine en bleu foncé.

Devant la rareté de cette pathologie, il est difficile d’établir une prise en charge thérapeutique consensuelle. L’exérèse chirurgicale des lésions est à proscrire car elle favorise l’apparition de nouvelles lésions. Un essai clinique récent avec des perfusions de plasma concentré en plasminogène a montré des résultats encourageants.