Diagnostic/Commentaires

L’hémangioendothéliome épithélioide (HEE) est un sarcome de bas grade initialement décrit par S.Weiss en 1982 (1).
L’HEE des tissus mous touche surtout l’adulte d’âge moyen, sans prédominance de sexe. Il est exceptionnel chez l’enfant. Les formes cutanées sont très rares et sont souvent le fait soit de tumeurs des tissus mous qui envahissent secondairement la peau soit de métastases de lésions viscérales ou des tissus mous.(2,3).Dans l’étude de T. Mentzel(4)qui porte sur 30 patients, 17 tumeurs étaient situées dans les tissus mous profonds, 9 étaient sous cutanées ou à proximité de fascia et 4 seulement étaient dermiques.

Classiquement, comme dans cette étude, sur le plan histologique, les tumeurs ont plus souvent un aspect infiltrant que bien limité(6 cas). Le stroma est volontiers abondant myxohyalin plus ou moins remanié. La prolifération est volontiers moins compacte que dans le cas décrit ici. Un certains nombre de cas se développent de manière angiocentrique.

Le pronostic de l’hémangioendothéliome épithélioide est difficile à préciser. Dans la série de S Weiss (1) au bout de 48 mois d’évolution : 13% des cas ont récidivé localement, 31% ont développé des métastases et 13% sont morts de leur tumeur. Dans l’étude de T Mentzel (4), sur 24 cas suivis en moyenne 39 mois, 3 avaient des récurrences locales, 5 (21%) des métastases et 4 (17%) sont décédés de leur tumeur.

Dans notre cas, alors que le bilan initial en montrait aucune dissémination (radiographie pulmonaire et échographie abdominale), le bilan réalisé au bout de 6 mois mettait en évidence des localisations multiples pulmonaires, hépatiques, osseuses et gingivale, confirmées par l’histologie. A 18 mois d’évolution sans traitement, l’état général était conservé malgré les multiples localisations.

Sur le plan histologique, l’étude de T.Mentzel (4) confirme que, hormis le nombre de mitoses élevé (supérieur à 6 pour 10 champs), aucun critère ne permet un histopronostic (ni la taille de la tumeur, ni les atypies cytonucléaires, ni la présence de cellules fusiformes, ni la présence de foyers angiosarcome-like). Dans cette étude, cependant ,à l’inverse de notre cas, les formes dermiques pures sont restées isolées et donc d’excellent pronostic. Ceci soulève le problème de la situation de l’hémangioendothéliome épithélioide dans le spectre des tumeurs vasculaires épithélioides. En effet, certaines formes cutanées isolées ont une évolution qui les rapproche de l’hémangiome épithélioide, d’autres formes ont au contraire un aspect histologique et/ou évolutif qui les rapproche de l’angiosarcome épithélioide sans pour autant atteindre la gravité de son taux de métastase et de mortalité.

Les formes multifocales d’hémangioendothéliome épithélioide comme notre cas soulèvent l’hypothèse d’une maladie à éclosion multicentrique plutôt qu’une véritable dissémination métastatique. L’aspect histologique que nous avons observé ne permettait pas d’évoquer un processus métastatique cutané mais le bilan de départ (radiographie pulmonaire et échographie abdominale) peut avoir ignoré des lésions pulmonaires et hépatiques de petite taille concomitantes (primitives ou secondaires ?) . C’est dire la difficulté devant ce genre de lésion de définir jusqu’où pousser les investigations paracliniques.

Sur le plan thérapeutique une exérèse chirurgicale est la règle. Un traitement complémentaire par interféron a pu être proposé (3).

Diagnostics différenciels :
Le diagnostic peut être difficile quand la différentiation vasculaire est moins nette que dans notre cas.
On peut alors discuter des tumeurs d’allure épithélioide d’autre nature : épithéliale, glandulaire, naevique, conjonctive. Les immunomarquages à l’aide de marqueurs vasculaires permettent de redresser ce diagnostic.
Le diagnostic se pose avec les autres tumeurs vasculaires épithélioides : hémangiome épithélioide, angiosarcome épithélioide.
Contre le diagnostic d’hémangiome épithélioide on retiendra l’aspect très compact de la prolifération constituée uniquement d’amas de cellules épithélioides sans interposition de vaisseaux bien différenciés et la discrétion de l’infiltrat inflammatoire avec quasi absence de polynucléaires éosinophiles.
Contre le diagnostic d’angiosarcome épithélioide on retiendra l’absence de mitose, l’absence de nécrose, l’absence d’atypie nucléaire et l’absence de fente vasculaire mêlée à la prolifération.

Références

1. WEISS S.W.,ENZINGER F.M. Epithelioid hemangioendothelioma. A vascular tumor often mistaken for a carcinoma. Cancer,50,970-981,1982
2. VIGNON-PENNAMEN M.D.,VARROUD-VIAL C., JANSSEN F. ,DEGOTT C.,VEROLA O.,COTTENOT F. Métastases cutanées d’un hémangioendothéliome épithélioide hépatique. Ann. Dermatol. Venereol.,116,864-866,1989
3. ROUDIER-PUJOL C.,ENJOLRAS O.,LACRONIQUE J.,GUILLEMETTE J.,HERBRETEAU D.,LEIBOWITCH M.,ESCANDE J.P. Hémangioendothéliome épithélioide multifocal en rémission partielle sous traitement par interféron a2a. Ann. Dermatol. Venereol.,121,898-904,1994
4. MENTZEL T.,BEHAM A.,CALONJE E.,KATENKAMP D.,FLETCHER C.D.M. Epithelioid hemangioendothelioma of skin and soft tissues : clinicopathologic and immunohistochemical study of 30 cases. Am. J. Surg. Pathol.,21,363-374,1997

Propositions de diagnostics