Diagnostic/Commentaires

L’examen direct de la biopsie montre également des éléments fongiques septés. La culture révèle un micromycète gris-noir (phaeohyphomycète), constitué d’un mycélium septé avec de courts conidiophores portant des conidies de petite taille, ovoïdes, et de longs conidiophores secondaires multiseptés flexueux. Une telle description morphologique est celle d’Alternaria infectoria. Ce diagnostic est confirmé par PCR-séquençage de la zone ITS des ADNr.
Thérapeutique et évolution: Les symptômes se sont améliorés en un mois sous itraconazole et diminution en parallèle de la corticothérapie. Une résolution complète est obtenue à 3 mois.
Les phaehyphomycètes du genre Alternaria regroupent des espèces cosmopolites, saprophytes des sols et parasites des plantes. Les infections cutanées surviennent le plus souvent après une inoculation traumatique transcutanée. Exceptionnellement, elles font suite à une inhalation de spores avec dissémination hématogène. Cette affection survient habituellement dans un contexte d’immunodépression chronique (transplantation d’organes solides ou hémopathies).
avec un rôle prépondérant des corticoïdes (responsables d’une fragilité cutanée accrue et d’une immunodépression). Ces moisissures ne deviennent pathogènes qu'en cas d'immunodépression.
La littérature rapporte 156 cas d’atteintes cutanées dont 39 en France. Les espèces imputées appartiennent au complexe d’espèces Alternaria alternata / Alternaria tenuissima (57% des cas). Alternaria (Lewia) infectoria a rarement été décrite (7% des cas). Entre 1985 et 2012, 6 cas d’atteinte cutanée à Alternaria ont été diagnostiqués au CHU de Besançon, 5 dus à A. alternata / A. tenuissima, et ce premier cas dû à A. infectoria.
Devant le nombre accru de cas publiés d’alternarioses et l’augmentation des cas signalés au registre du CNMRA (Centre National de Référence de la Mycologie et des Antifongiques), une réelle émergence d’alternariose à A. infectoria ne peut être exclue. La présentation clinique de l’infection cutanée à Alternaria est variable et souvent trompeuse: nodules violacés, plaques ulcérées, papules, macules faisant parfois évoquer les diagnostics de maladie de Kaposi, de leishmaniose ou d’autres infections fongiques. Des cas d’infection systémique ont été rapportés chez des sujets immunodéprimés.
L’aspect histologique montre des filaments mycéliens septés au sein de granulomes histiocytaires dermiques associés à des micro-abcès de polynucléaires neutrophiles en surface. De manière notable, Alternaria infectoria produit peu de mélanine, les éléments fongiques n’apparaissent donc pas colorés à l’HES, contrairement à d’autres phaeohyphomycètes (A. alternata / A. tenuissima, agents de chromomycose). Une coloration spécifique de la mélanine (Fontana-Masson) peut être envisagée.
L’identification de l’agent pathogène peut s’avérer difficile. Le mycélium d’Alternaria infectoria est fréquemment stérile en culture ou présente une sporulation très faible. Les techniques de biologie moléculaire permettent l’identification à partir des cultures mais sont également directement réalisables sur biopsie fixée, en cas de culture négative.
Le traitement usuel repose sur l’exérèse chirurgicale sauf dans les formes disséminées. Le traitement des alternarioses comprend la réduction de l'immunodépression, l'exérèse chirurgicale de lésions localisées, et/ou un traitement prolongé par itraconazole ou amphotéricine B dans les formes multiples. La durée de traitement n’est pas standardisée mais un traitement long semble la règle. Des rechutes après guérison ne sont pas rares, le suivi des patients doit donc être prolongé.
Conclusion: Le diagnostic d’alternariose doit être envisagé dans le cadre des inflammations granulomateuses cutanées survenant dans un contexte d’immunodépression. Les colorations par le PAS, le Grocott et le Fontana fournissent une première approche diagnostique. Le diagnostic de certitude fait appel aux techniques moléculaires, sur isolat en culture et/ou sur biopsie et requiert une collaboration étroite entre dermatologues, anatomopathologistes et mycologues.

Références

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3. Gilaberte M, Bartralot R et al. Cutaneous alternariosis in transplant recipients: clinicopathologic review of 9 cases. J Am Acad Dermatol 2005;52:653-9.
4. Robert T. et al. Phaeohyphomycosis due to Alternaria infectoria: a single-center experience with utility of PCR for diagnosis and species identification. Med Mycol. 2012;50:594-600.

Propositions de diagnostics