Diagnostic/Commentaires

La patiente présentait, 15 jours auparavant, des plaques purpuriques et nécrotiques des cuisses. Sur la biopsie réalisée en peau lésée, on observait de multiples thrombi fibrino-cruoriques, sans corps étrangers, intéressants la quasi-totalité des vaisseaux du derme. Il n'y avait pas de germes visibles. Il existait un infiltrat inflammatoire périvasculaire constitué majoritairement de polynucléaires neutrophiles, avec des images de leucocytoclasie.
Pour interpréter ces lésions, il faut se placer dans le contexte de la toxicomanie. Chez le toxicomane, le spectre des lésions cutanées en rapport avec l'injection de drogues est large (2). Les lésions sont fonction du type d'injection -intraveineuse le plus souvent, mais aussi intra-artérielle,sous-cutanée et intra-musculaire- et du produit injecté (principe actif et excipients). Les mécanismes lésionnels sont divers et parfois imbriqués. Les lésions infectieuses et les lésions d'origine vasculaire sont les plus représentées.
Dans la littérature, seuls trois cas décrivent les mêmes aspects très particuliers de corps étrangers cutanés en \"croix de Malte\"(1)(3)(4). Pour deux d'entre eux, les descriptions cliniques et histologiques sont semblables aux nôtres. Les corps étrangers sont identifiés comme des particules d'amidon de mais, excipient présent dans le subutex°.

La buprénorphine (molécule active du subutex°) est un analogue morphinique agoniste partiel. Son utilisation comme produit de substitution aux opiacés est particulièrement répandue en France (AMM en 1996). Sa forme galénique est sub-linguale. Son usage détourné par voie intra-vasculaire, après broyage du comprimé entre deux cuillers et dissolution avec de l'eau tiède, est très répandu chez les toxicomanes. Elle leur permet de conserver le rite de l'injection et l'effet \"flash\", avec une biodisponibilité excellente du produit.

Dans notre observation, les mécanismes lésionnels précis sont difficiles à concevoir. Nous proposons d'envisager la présence des corps étrangers comme un témoin de l'injection chronique du produit. Ces corps pourraient être à l'origine des lésions nécrotiques par thrombose capillaire objectivée lors de l'épisode aigu survenu 15 jours auparavant.

Références

(1) P-A Just et al, An usual case of livedoid and necrotic lesions in a drug addict, Am H Dermapathol, Vol 29, N1, 2007

(2) P. Del Guidice, Cutaneous complications of intravenous drug abuse, British Journal of Dermatology, 150: 1-10, 2004

(3) A. Potier et al, Livédo nécrotique après injections de buprénorphine (subutex°): role de l'amidon de mais contenu dans l'excipient, Ann Dermatol Venereol, 134:148-50, 2007

(4) T.Jouary et al, Livédo nécrotique localisé après injection de cocaïne, Ann Dermatol Venereol, 130, 537-40, 2003

Propositions de diagnostics