Diagnostic/Commentaires

Les kystes épidermoïdes et les pilomatricomes sont des diagnostics d’une grande banalité pour le dermatopathologiste. On sait que la survenue de kystes épidermoïdes ou de pilomatricomes multiples, survenant tôt dans la vie, sur l’ensemble du tégument et parfois en situation intra-osseuse (notamment au niveau de la mandibule) doit faire rechercher un syndrome de Gardner. Cependant, le dermatopathologiste est rarement en mesure de proposer, avant confrontation anatomoclinique, ce diagnostic de maladie héréditaire. Toutefois, il est une situation où ce diagnostic doit être évoqué, face à un kyste à double kératinisation : épidermoïde et pilomatricielle. Cette situation est très rare mais importante à connaître, surtout si le patient n’a pas d’antécédent familial connu ou si le syndrome n’a pas été diagnostiqué. Il faut cependant noter que tous les kystes cutanés de patients atteints de ce syndrome ne présentent pas ce caractère hybride. Cooper et Fechner ont rapporté que cette double différenciation n’était présente que dans 37% des kystes examinés. 50% des kystes renfermaient cependant dans leur lumière des masses de cellules pilomatricielles, sans connexion évidente avec la paroi.
Gardner a rapporté la triade caractéristique : lésions (sous-)cutanées, ostéomes et polypose digestive, en 1953. Mais depuis les années 1990, il est acquis que ce syndrome est en réalité une expression phénotypique de la polypose adénomateuse familiale (PAF), liée à une mutation autosomique dominante du gène APC. D’autres lésions cutanées ou sous-cutanées que des kystes d’origine folliculaire peuvent être retrouvées dans la PAF, notamment des fibromes dits de Gardner, souvent retrouvés au niveau du tronc et des tumeurs desmoïdes de la paroi abdominale survenant après traumatisme.
Cette observation permet de rappeler que les tumeurs annexielles, souvent bénignes, solitaires et sporadiques, peuvent être, notamment lorsqu’elles sont multiples, des marqueurs de maladies héréditaires prédisposant à des néoplasies viscérales (pour revue: Cribier B, Kanitakis J) :
- Trichilemmomes et maladie de Cowden (maladie autosomique dominante liée à des mutations du gène suppresseur de tumeur, PTEN): Lorsque le diagnostic d’un premier trichilemmome est posé, il faut savoir si le patient est porteur de multiples lésions, faciales notamment et si tel est le cas, biopsier d’autres lésions, car la présence de trois tumeurs cutanées de ce type est pathognomonique du syndrome de Cowden. En effet, outre une association à des lésions gingivales papillomateuses, ces patients ont un risque accru de cancer du sein, de la thyroïde et de l’appareil génito-urinaire.
- Tumeurs sébacées (adénome, sébacéome, carcinome) et syndrome de Muir-Torre (maladie autosomique dominante liée à des mutations des gènes impliqués dans le mismatch-repair, principalement MSH2, MLH1, mais aussi MSH6 et PMS2) : le diagnostic de ce syndrome, qui fait partie, comme le syndrome de lynch, du spectre des cancers colorectaux héréditaires sans polypose familiale (ou HNPCC) permet de prévenir la survenue de carcinomes digestifs et urogénitaux. Or, le diagnostic est fait dans 1/3 des cas à partir des signes cutanés et notamment de tumeurs sébacées multiples.
- Tumeurs périfolliculaires (fibrofolliculome, fibrome périfolliculaire, trichodiscome) et syndrome de Birt-Hogg-Dubé (maladie autosomique dominante liée à des mutations du gène de la folliculine): ce syndrome prédispose notamment à des tumeurs rénales (oncocytome, carcinome chromophobe, papillaire, à cellules claires). On rapporte aussi des associations moins fréquentes avec des cancers thyroïdiens, des lipomes, des angiolipomes, des oncocytomes parotidiens et des tumeurs nerveuses.

Références

1. Cooper PH, Fechner RE. Pilomatricoma-like changes in the epidermal cysts of Gardner's syndrome. J Am Acad Dermatol, 1983, 8:639-44.
2. Gardner EJ, Richards RC. Multiple cutaneous and subcutaneous lesions occurring simultaneously with hereditary polyposis and osteomatosis. Am J Hum Genet, 1953 ; 5:139-47.
3. Cribier B. Accurate diagnosis of adnexal tumours can be a matter of life or death. Ann Dermatol Venerol, 2009 136 : 125-32.
4. Kanitakis J. Adnexal tumours of the skin as markers of cancer-prone syndromes. JEADV, 2010, 24 :379–87.

Propositions de diagnostics