Diagnostic/Commentaires

Le matricome mélanocytaire est une tumeur annexielle rare, décrite pour la première fois en 1999 par Carlson et ses collaborateurs. Il existe à ce jour une dizaine de cas décrits dans la littérature. Cette tumeur possède une double composante : épithéliale (matricielle) et mélanocytaire. Cliniquement la tumeur se présente sous la forme d’un nodule noirâtre ou violacé de petite taille (<1cm), d’apparition tardive et localisé en zones photo-exposées (visage, tronc, membres). Elle touche les sujets âgés (60-80 ans) et préférentiellement les hommes.
Sur le plan histologique, il s'agit d'une tumeur de petite taille, d'architecture solide, symétrique et bien limitée, de localisation dermique superficielle ou moyenne, sans connexion avec l'épiderme (ou connexion focale). Elle est constituée d'une double prolifération cellulaire : d’une part de cellules matricielles basaloïdes, pléomorphes, nucléolées parfois mitotiques subissant focalement une kératinisation de type trichilemmal avec quelques cellules momifiées ; d’autres parts de mélanocytes dendritiques pigmentés.
Sur le plan immunohistochimique: les cellules matricielles expriment les cytokératines. Les mélanocytes dendritiques sont PS100, Mélan A et HMB45 positifs. Elle exprime la β caténine de façon diffuse et les kératines pilaires (hHa1) ce qui démontre son origine matricielle.
Sur le plan physiopathologique, l'existence de cette tumeur s'expliquerait par la relation étroite qui existe entre les mélanocytes et les cellules matricielles dans le bulbe du follicule pileux pendant le cycle pilaire. Les mélanocytes seraient plus nombreux en phase anagène (phase de croissance) précoce et diminueraient progressivement en nombre pour être absents à la fin de la phase catagène. Le MM reproduirait ainsi la phase anagène précoce du poil. Les UV joueraient également un rôle dans la migration des mélanocytes expliquant la localisation aux zones photo-exposées.
Les diagnostics différentiels cliniques sont: le mélanome nodulaire, l'angiome thrombosé, le carcinome basocellulaire pigmenté, le carcinome épidermoïde, le porocarcinome, la kératose séborrhéique pigmentée.
Histologiquement, pour analyser cette tumeur, les questions qui se posent sont :
- quelle est sa nature : épithéliale ou mélanocytaire ou les 2 ?
- est-elle bénigne ou maligne ?
La première étape est d’éliminer un mélanome nodulaire.
L’immunohistochimie permet de montrer que le MM est une tumeur composite avec une composante épithéliale associée à la prolifération mélanocytaire. Il ne s’agit pas d’une prolifération mélanocytaire pure.
Le 2° diagnostic différentiel est le carcinome basocellulaire « tatoué » et/ou avec différentiation matricielle : mais dans ce cas les lobules de cellules basaloïdes forment des palissades en périphéries et des fentes de rétraction avec un stroma plutôt myxoïde. La bétacaténine est focalement positive, contrairement au MM dans lequel elle est positive de façon intense et diffuse.
Une fois ces 2 diagnostics éliminés, se pose la question d’une tumeur pilaire et de son caractère bénin ou malin. La petite taille lésionnelle, le caractère bien limité de la tumeur et l’absence d’atypies cytologiques majeures (en dehors de l’index mitotique élevé) plaidaient ici pour la bénignité.
Parmi les tumeurs pilaires avec possible double composante épithéliale et mélanocytaire pouvait se discuter :
- Un pilomatricome : Cette lésion touche des sujets plus jeunes. Elle est dermique profonde ou hypodermique, connectée à l’épiderme, et souvent kystique. Elle est constituée de cellules épithéliales matricielles basaloïdes en périphérie. Au centre elle renferme de nombreuses cellules momifiées avec présence d’une zone transitionnelle. Il existe par ailleurs une réaction granulomateuse et des calcifications importantes qu’on ne retrouve pas dans le MM. Lorsqu'il est pigmenté, l'hyperplasie mélanocytaire n'est pas aussi importante que dans le MM.
-Un trichoblastome pigmenté et/ou avec différentiation matricielle. Il s’agit d’une tumeur de plus grande taille avec un stroma fibreux abondant. La différenciation pilaire est complète avec une prédominance de cellules germinales qui sont de petites cellules à noyaux sombres et sans nucléoles.
- un Carcinome matriciel: il s’agit souvent d’une tumeur multinodulaire, mal limitée, infiltrante en profondeur. Les cellules matricielles sont pléomorphes, possèdent des atypies cytonucléaires et des mitoses. Il s’y associe de la nécrose, des emboles vasculaires et des engainements périnerveux. La récidive est fréquente après exérèse.

Références

1. Islam M, Bhattacharryya I,Proper S,Glanz S Vega J,Hassanein A.Melanocytic matricoma: a distinctive clinicopathologic entity. Dermatol Surg 2007; 33: 857-863.

2. Cribier B, Segretin C, Tessier D, Peltre B. Matricome mélanocytaire : première démonstration de la nature matricielle d’une tumeur originale. Annales de dermatologie et de vénérologie.2005 Vol 132 N°HS3 : 9144-0.

3. Williams CM, Bozner P, Oliveri CV, Horenstein MG. Melanocytic matricoma: case confirmation of a recently described entity. J Cutan Pathol 2003; 30: 275-278.

4. Riccioni L, Genacchi G, Ragazzini T, Collina G. Follicular baso-squamous melanocytic tumor of theskin. Histopathology 2002, 41 : 337-341

Propositions de diagnostics