Diagnostic/Commentaires

Les lymphoproliférations T cutanées CD30+ comportent deux entités qui sont la papulose lymphomatoïde et le lymphome T cutané primitif anaplasique à grandes cellules (c-ALCL) ainsi que des formes frontières intermédiaires. Ce sont les lymphomes T les plus fréquents après le mycosis fongoïde et sont de bon pronostic avec une régression spontanée dans 44% des cas. Il est indispensable devant ce diagnostic d’exclure une localisation cutanée d’un lymphome anaplasique systémique. Dans notre cas, le bilan clinique, biologique et d’imagerie (scanner thoraco-abdomino-pelvien, PET-scanner et échographie abdominale) était normal. Par ailleurs, il convient de rappeler que d'autres lymphomes T peuvent se présenter sous la forme d'infiltrat de grandes cellules néoplasiques CD30+. C'est le cas du mycosis fongoïde transformé, de la papulose de type C et plus rarement de lymphomes B (notamment associés au virus EBV) et du lymphome NK/T de type nasal. Une bonne confrontation anatomoclinqiue et un bilan phénotypique complet sont donc requis.
Les critères diagnostiques du lymphome cutané primitif anaplasique à grandes cellules sont d’après l’OMS (1) : plus de 75% de grandes cellules anaplasiques, pléomorphes ou immunoblastiques exprimant l’anticorps anti-CD30, une absence d’antécédent ou de signes cliniques de mycosis fongoïde et une absence de localisation extra-cutanée de lymphome après un bilan complet.
Cliniquement, il s’agit le plus souvent d’un nodule asymptomatique unique, localisé sur le tronc, aux extrémités ou sur les fesses, avec une prédominance masculine et un pic vers 60 ans. Dans 10% des cas, il existe une dissémination extra-cutanée. Histologiquement, l’infiltrat lymphocytaire est diffus, sans épidermotropisme, composé de cellules CD30+ anaplasiques pléomorphes et/ou pseido-immunoblastiques, de phénotype T CD4+ dans la majorité des cas avec volontiers des pertes d'expression d'antigènes T. .
Dans les lymphomes T anaplasiques systémiques, différentes translocations impliquant le gène ALK sont décrites. La plus fréquente est la translocation t(2;5)(p23;q35) dans 75% des cas qui crée un gène chimérique avec fusion de nucleophosmin (NPM)- Anaplastic Lymphoma Kinase (ALK) (3). Il est ainsi classique de considérer que la présence d'une expression de ALK associée à un réarrangement témoigne d'un lymphome T cutané secondaire, mais, comme on le voit dans cette observation et tel que cela a été rapporté dans la littérature, des formes cutanées primitives d'ALCL peuvent exceptionnellement être réarrangées. Les lymphomes anaplasiques cutanés primitifs avec réarrangement ALK1 sont en effet très rares et seraient plus fréquents dans la population pédiatrique (4). La fréquence réelle est peut-être sous-estimée même s’il est préconisé de rechercher systématiquement une expression d’ALK1 devant toute lymphoprolifération cutanée CD30+. Le nombre de cas est très faible et les études rares, on ne connaît donc pas la fréquence réelle de cette entité et son évolution. Il n’y a pas actuellement de recommandations concernant le suivi. Un suivi régulier et à long terme semble nécessaire pour éliminer le développement secondaire d’un lymphome anaplasique systémique.

Références

1. WHO classification of tumours of haematopoietic and lymphoid tissues, 4th ed. .
2. Prise en charge des lymphomes T cutanés : Recommandations du Groupe Français d’Etude des Lymphomes Cutanés, Ann Dermatol Venereol 2010;137(10):611-21.
3. Sasaki et al., Br J Dermatol, 2004, 150(6):1202-7.
4. Oschilies et al., haematologica 2013 ; 98(1)

Propositions de diagnostics